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Inondations et crues
12 décembre 2020

PPRi contesté

Dernières nouvelles d'Alsace (08/12/2020)

Les nouvelles contraintes autour de la Moder inquiètent les habitants

Terrains rendus inconstructibles, projets mis à mal, incohérences administratives… Le plan de prévention des risques d’inondation de la Moder provoque d’ores et déjà de vives inquiétudes dans la population du bassin-versant.

L’enquête publique concernant le plan de prévention des risques d’inondation de la Moder (PPRI) s’est achevée le 18 novembre.

Les commissaires enquêteurs ont ramassé les registres qui étaient à la disposition du public pendant un mois et demi dans toutes les mairies concernées. Avant qu’ils rendent leur rapport, le point sur les inquiétudes des habitants et des élus.

Huit communes traversées

La rivière Moder prend sa source à Zittersheim, au cœur des Vosges du Nord. 93 kilomètres plus loin, elle rejoint le grand canal d’Alsace. Au passage, elle draine un bassin-versant de 1 720 km². Pour pallier les risques d’inondations, les services de l’État rédigent des PPRI, afin de limiter les constructions aux abords de l’eau. Après celui de la Zorn, c’est au tour de celui de la Moder.

La rivière traverse huit communes avant d’arriver à Val de Moder. Une quinzaine d’habitants d’ Uberach, zone la plus touchée par le PPRI, s’y sont exprimés. « Leurs terrains sont classés inconstructibles, c’est une perte sèche pour eux. Ils sont déjà sensibilisés à ces questions, mais pas au point que leurs propriétés soient classées en rouge », explique le maire délégué Dominique Gerling.

Les services de l’État, via la direction départementale des territoires (DDT), maître d’ouvrage du PPRI, ont fourni des cartes d’aléas à chaque commune concernée par le PPRI, et le code couleur est le même partout. Sur les zones colorées en rouge-orange, plus ou moins foncé, les constructions sont en principe interdites. Sur les zones dans diverses teintes de bleu, il faudra des autorisations.

« Mais il y a des incohérences, pointe Dominique Gerling. Sur notre carte, nous voyons des taches rouges dans le bleu. Or, notre village est plat » Même questionnement dans le village suivant, Niedermodern, où un courriel envoyé aux commissaires enquêteurs s’étonne de la localisation des zones inondables « alors que des terrains agricoles en amont et en aval sont protégés ».

« On a refusé à mon voisin la construction d’un garage s’il ne le rehausse pas de 30 centimètres… »

Huit autres communes de ce territoire sont concernées par le PPRI alors qu’elles ne sont pas directement traversées par la rivière : les cours d’eau qui les traversent — Zinsel du Nord, Falkensteinerbach, Rothbach… — finissent tous leur course dans la Moder. À part pour Gundershoffen et Reichshoffen, elles ont connu peu de mobilisation autour du PPRI.

Ainsi, à Gundershoffen, des habitants de la rue d’Uttenhoffen et de la rue de la Gare doutent du risque d’inondation de leurs terrains, puisque « la courbe initiale de la petite rivière Lauterbach a été modifiée dans les années 70-75 pour créer une ligne droite souterraine ». Le maire Victor Vogt a lui aussi signalé le tracé erroné de ce ru.

La Moder poursuit sa route dans le secteur de Haguenau, où les habitants ont peu participé à l’enquête publique. Le maire de Dauendorf — tout comme, plus en aval, celui de Bischwiller — signale une contradiction entre le PPRI et le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI). Quant au maire de Schweighouse-sur-Moder, il remarque qu’une partie de la rue des Sports est colorée en rouge clair, ce qui ne devrait pas compromettre la rénovation de la piste d’athlétisme, programmée en 2021.

Une forte mobilisation à Rohrwiller

Rohrwiller a connu une mobilisation plus forte, avec une dizaine de contributions au registre. Le propriétaire de deux terrains situés rue Neuve conteste leur classement, document de géomètre à l’appui. Un autre villageois de l’impasse des Peupliers voit attribuer à son terrain deux zonages différents, alors même qu’ « il n’y a pas de différence de niveau de terrain ».

Certaines mesures laissent perplexe le maire Laurent Sutter lui-même. « Ma maison est en zone blanche, celle de mon voisin en bleu. Même si le PPRI n’est pas encore voté, il s’applique déjà depuis le “porter à connaissance” d’il y a quelques années, qui s’impose au PLUI. Alors on a refusé à mon voisin la construction d’un garage s’il ne le rehausse pas de 30 centimètres… »

La mairie veut que les zones oranges passent en bleu, et les zones bleues en blanc. « On est entouré d’aménagements de berges, c’est le produit du curage de la Moder effectué en 1970, après la dernière grosse inondation. Les services de l’État considèrent que ce sont des digues, et qu’elles peuvent céder, alors ils refusent de prendre leurs effets bénéfiques en compte. »

D’autant plus que les aménagements de gestion de l’eau se poursuivent : redimensionnement des réseaux d’assainissement et d’eau potable ; ajout, il y a quelques années, d’un système de pompage au bassin d’orage, qui permet quand il est plein de rejeter le surplus vers la Moder ; curage du fossé où partent les eaux pluviales au fond du village…

« C’est ceinture et bretelles »

En fin de parcours, la rivière traverse le Pays rhénan. À Herrlisheim, en plus de quelques contributions des habitants, le maire Serge Schaeffer rappelle que la zone entre les rues de Gambsheim et d’Offendorf n’a jamais été inondée. Il remet en question les mesures : « Les parties oranges correspondent à des excavations de l’homme, il faudrait rétablir la topographie naturelle. »

Sept contributions ont été enregistrées à Drusenheim. Elles proviennent surtout d’habitants qui ne comprennent pas pourquoi leurs terrains, pourtant classés au PLUI en zones urbanisées ou à construire, sont devenus soudain inconstructibles. Ils relèvent un manque de concertation entre les services.

À Sessenheim, le PPRI touche la partie ancienne du village, déjà construite. Le maire Raymond Riedinger estime tout de même exagérée la marge de 30 centimètres au-dessus des plus hautes eaux connues. « Ils mettent la ceinture et les bretelles ! Je suis ici depuis cinquante ans et je n’ai jamais vu d’eau dans le village. » Michel Degoursy, le maire de Dalhunden, voudrait aussi voir son zonage assoupli.

C’est à Stattmatten qu’on trouve l’unique édile ravi du PPRI : Jean-Jacques Merkel. « Évidemment, on ne peut plus s’étendre, mais c’est appréciable d’être dans la nature. Et au moins les habitations sont hors de danger. » Il suggère de réhabiliter le Tahlweg, un bras mort de la Moder, pour y dévier l’eau quand la rivière est en crue. « En plus, cela arroserait ce petit bout de forêt rhénane. »

Plus de 90 % du ban impactés

Commune et habitants se sont exprimés à Rountzenheim-Auenheim. Quelques-uns se plaignent de fonds de parcelles classées en rouge, comme cette dame : « Je ne peux même plus construire un garage au fond de mon jardin […] ». Elle estime également que ce zonage va à l’encontre du schéma de cohérence territoriale (Scot, désormais PETR) de la bande rhénane nord, qui préconise la densification.

Le conseil municipal de Roeschwoog a émis un avis défavorable au projet de PPRI. Le maire Michel Lorentz y a décompté une centaine de propriétés impactées par le PPRI. De plus, la zone de loisirs du Staedly ne peut plus s’étendre, le projet de lotissement Immenlach est compromis… Il rappelle son souhait de réutiliser d’anciens fossés du canal Regemorte pour stocker l’eau d’une inondation.

À Neuhaeusel, dernière commune avec Beinheim traversée par la Moder avant de rejoindre le Rhin, le premier magistrat Sébastien Kriloff ne cache pas sa frustration : « Le ban communal s’étend sur 305 hectares, dont plus de 90 % sont impactés ! Entre autres conséquences, cela ne laisse plus que 40 mètres de profondeur pour le projet de lotissement que la commune voulait mener au nord »

À lui aussi, les anciens ont affirmé n’avoir aucun souvenir d’inondation, et ici aussi, un bras desséché de la Moder pourrait absorber l’excédent d’eau en amont. Trois habitants sont venus se plaindre dans le registre de la perte de valeur subie par leurs terrains. Et le maire voit plus loin : « Si on n’a plus de terrains à construire, la pression fiscale va flamber. On nous plombe l’avenir du bassin. »

Une dizaine de communes du secteur sont encore incluses dans le PPRI. Au nord du territoire, rien à signaler à Forstfeld, et pas grand-chose à Kauffenheim et Leutenheim, qui se sentent davantage concernées par les fluctuations de la Sauer.

« De mémoire d’homme, on n’a jamais eu affaire à la Moder »

Ce n’est pas le même son de cloche à Roppenheim, où 76 % du ban seraient inondables, alors que « de mémoire d’homme, affirme le maire René Stumpf, on n’a jamais eu affaire à la Moder. » Il dénonce : « Ce PPRI n’est pas adapté à notre territoire. Cela fait deux cents ans qu’on régule l’eau le long du Rhin, et là on nous colle des règles nationales contraignantes. »

Même inquiétude à Soufflenheim, dont le ban est également très impacté. Ayant déjà restreint leurs ambitions de développement lors de l’élaboration du PLUI, les élus espèrent que les services de l’État reverront à la baisse les nouvelles restrictions du PPRI. Pour le maire Camille Scheydecker, les seuils fixés jouent beaucoup trop la sécurité.

Enfin, si sa commune d’ Offendorf est peu impactée, c’est en tant que président de la communauté de communes du Pays rhénan que Denis Hommel s’est exprimé. Dans une lettre adressée au président de la commission d’enquête, il reprend les récriminations récurrentes des communes, et affirme que « le règlement doit pouvoir évoluer pour apporter plus de souplesse ».

« Ce territoire a déjà une longue expérience de gestion de l’eau. On sait que la Moder ne fait pas courir un grand risque, les crues sont lentes dans la plaine. Entre les PPRI de la Zorn et de l’Ill, déjà faits, et celui de la Moder, environ 60 % de notre territoire sont impactés. Sans compter celui de la Sauer en cours d’étude », explique-t-il.

De plus, le Pays rhénan estime avoir montré sa bonne volonté et sa résilience. Il est en effet déjà bien engagé dans l’élaboration d’un programme d’actions de prévention des inondations (Papi) pour la Zorn, et projette éventuellement d’en construire un pour la Moder. L’opération coûte à chaque fois plusieurs millions d’euros.

 

 

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